Les réponses de Ian Brossat à notre questionnaire

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LES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE DU COLLECTIF APPRENDRE ENSEMBLE
 DE IAN BROSSAT, CANDIDAT PCF
AUX LÉGISLATIVES DANS LA 17ème CIRCONSCRIPTION

Selon vous, quelles mesures faut-il prendre pour lutter contre la forte ségrégation sociale qui existe dans les établissements scolaires du 18e et du 19e arrondissement ?
L’Académie de Paris est aujourd’hui celle où les inégalités d’un établissement à l’autre sont les plus fortes. La ségrégation sociale dans les établissements scolaires est évidemment liée à la politique de la ville : en la matière, permettre le développement d’une offre de logement accessible dans tous les quartiers de la capitale est une priorité. Maire adjoint en charge du logement, j’ai lancé le chantier du rééquilibrage territorial pour en finir avec les ghettos de riche. Tous les quartiers doivent prendre part à l’effort de solidarité, en accueillant des logements sociaux comme la loi le prescrit. Aujourd’hui, un effort prioritaire est fait dans les quartiers de l’Ouest parisien, en fort déficit.

Mais l’assouplissement de la carte scolaire et l’instauration d’une concurrence entre les établissements, y compris au sein du service public, ont renforcé cette ségrégation, à la fois sociale et scolaire. Face à une offre éducative de plus en plus différenciée, le modèle du « parent stratège » s’est imposé. La mixité sociale et scolaire, essentielle à la réussite de tous comme à la construction d’une culture commune, ne peut pas dépendre des choix individuels de chacun : elle doit devenir un cadre contraignant des politiques éducatives, au niveau national comme au niveau local.

Nous avons besoin d’une politique en rupture avec les logiques de concurrence entre les établissements, et qui se donne pour ambition de garantir l’égalité des conditions d’apprentissage partout. Cela implique de reconnaître que tous les élèves sont capables d’apprendre et de progresser, que tous les parents sont des interlocuteurs légitimes.

Pour lutter contre la ségrégation, le plus efficace est de lutter contre la hiérarchisation des établissements en agissant sur les moyens humains et matériels et sur l’offre éducative.

  • Rompre avec l’austérité pour augmenter la dépense d’éducation, en finir avec la pénurie, créations de postes et pré-recrutements
  • Politique volontariste d’ouverture de filières ou d’options pour équilibrer l’offre de formation
  • outils de mesure et d’affectation des moyens plus fins, qui permettent d’éviter les effets de seuil et de concurrence liés à la labellisation des établissements.

La réforme du collège, avec les 20% du temps d’enseignement qui varieront d’un collège à l’autre, aggrave la concurrence entre les établissements. J’agirai pour le retour à des horaires nationaux.

La sectorisation est un outil efficace au service de la mixité sociale et scolaire, lorsqu’elle est pensée à la fois pour le primaire et le secondaire et qu’elle s’appuie sur des constructions ou des rénovations d’établissements, comme ça a été le cas dans le 17e arrondissement. Elle doit cependant être articulée à des procédures d’affectation transparentes, justes, élaborées démocratiquement. Je suis donc favorable au retour à une carte scolaire contraignante, élaborée en lien avec les familles. À l’assemblée nationale, je travaillerai pour renforcer le dialogue entre les différentes instances dont dépendent la sectorisation (conseil d’arrondissement pour les écoles primaires, conseil de Paris pour les collèges) et l’affectation (rectorat).

Enfin, la politique de lutte contre la ségrégation sociale et scolaire doit impliquer tous les parents. Les récents débats sur les secteurs multi-collège dans le 18e ont fait la preuve de l’expertise des familles sur l’école, sur l’espace urbain, sur la réalité des difficultés et les réponses à y apporter. L’engagement des familles dans la conception et la mise en œuvre des politiques est une garantie d’efficacité. Député, j’agirai pour créer de nouveaux espaces de démocratie et favoriser l’engagement citoyen.

Quel regard portez-vous sur l’expérimentation des secteurs multi-collèges dans le 18e arrondissement ? Pourquoi ?
L’expérimentation des secteurs multi-collèges dans le 18e arrondissement est un premier pas vers une éducation moins ségréguée, capable de construire une culture commune ambitieuse pour tous nos enfants. Elle pose cependant encore de nombreux problèmes, qu’il nous faudra résoudre ensemble.

La mise en place de secteurs larges est une bonne nouvelle pour la mixité, d’autant qu’elle s’accompagne de moyens humains et matériels pour les collèges concernés (25 élèves par classe, même dotation qu’en REP, ouvertures de nouvelles options).

Cependant, la question des modalités d’affectation des élèves n’est pas résolue. Si je pense nécessaire de ne pas laisser aux familles la responsabilité d’un soi-disant « choix » qui les met en concurrence les unes avec les autres, je crois aussi que les procédures d’affectation doivent être transparentes et construites avec les parents.

C’est d’autant plus nécessaire que l’enseignement privé ne participe pas au dispositif. Aujourd’hui, les collèges privés voisins des quatre collèges concernés attirent déjà une grande partie des meilleurs élèves du secteur. Ils contribuent ainsi, beaucoup plus que les collèges publics, à la ségrégation scolaire. Comment faire pour que l’expérimentation des nouveaux secteurs n’ait pas pour effet pervers de nouvelles fuites vers le privé ? D’une part, je veux agir pour imposer à l’enseignement privé sous contrat de participer à l’objectif de mixité sociale et scolaire. D’autre part, je crois essentiel d’impliquer tous les parents dans la mise en œuvre des politiques éducatives, pour rompre avec le modèle du parent stratège et construire l’engagement de l’ensemble des familles pour la mixité sociale et scolaire, la construction d’une culture commune ambitieuse, la réussite de tous. Un collectif comme le vôtre est un partenaire essentiel de l’action publique sur ce sujet.

Dans les territoires où l’évitement crée une ségrégation inacceptable, l’État pourrait imposer aux parties concernées d’agir. Qu’en pensez-vous ?

Je pense en effet que l’État doit prendre ses responsabilités : la mixité sociale et scolaire ne peut pas rester facultative. Elle doit devenir un cadre obligatoire des politiques éducatives, et c’est bien à l’État d’en être le garant. Si l’action publique peut se décliner au niveau territorial, l’État doit en construire les objectifs et les cadres, et doit assurer la convergence des politiques menées au niveau municipal (école primaire), au niveau départemental (collège), au niveau de l’académie.

Selon vous, l’enseignement privé devrait-il être soumis à des règles pour accueillir des élèves d’une plus grande diversité sociale et scolaire ?

Oui. Aujourd’hui, les établissements privés sont des acteurs majeurs de la ségrégation sociale et scolaire à Paris. C’est un effet de la dégradation des conditions d’apprentissage dans le public, et il est donc essentiel de renforcer le service public d’éducation pour lui donner les moyens d’accueillir et de faire réussir tous les élèves. Mais il est aussi nécessaire d’imposer des contraintes nouvelles à l’enseignement privé.

Comment ?

L’existence de l’enseignement privé résulte d’un droit de nature constitutionnelle. Il peut donc paraître difficile de légiférer sur l’enseignement privé. Cependant, la constitution garantit la liberté de conscience, pas la libre concurrence dans le système d’enseignement. Les parlementaires ont donc un espace pour agir. D’ailleurs, les mesures récentes d’encadrement des établissements privés hors contrat montrent bien qu’une plus grande action régulatrice de l’Etat est possible.

Dans le contexte actuel, il est légitime de limiter l’expansion de l’enseignement privé au nom de la mixité sociale et scolaire. L’expérimentation a tenté d’œuvrer dans ce sens en association l’enseignement privé à la réflexion sur la mixité sociale : cela n’a pas suffi. Je m’engagerai pour l’intégration de l’enseignement privé dans la sectorisation. Les modalités de cette intégration devront être élaborées démocratiquement et de manière transparente.

J’agirai aussi pour une régulation plus forte des financements apportés à l’enseignement privé : d’une part pour mettre fin à l’obligation faite aux collectivités locales de financer l’enseignement privé ; d’autre part pour limiter les financements facultatifs.

Le contexte actuel, l’exigence de mixité sociale et scolaire, les besoins de développement et de renforcement du service public, doivent nous conduire à poser la question d’une intégration progressive de l’enseignement privé sous contrat dans le service public national. J’agirai pour ouvrir ce débat avec l’ensemble de la population.

Quelle priorité accorderez-vous à ces problématiques dans votre action au sein de l’Assemblée nationale ?

Il y a urgence. Notre société est en crise parce qu’elle est malade de ses inégalités. Mon combat prioritaire demain à l’Assemblée nationale comme aujourd’hui à la Mairie de Paris, c’est la lutte contre ces inégalités, la construction d’une « France en commun ». L’éducation y joue un rôle essentiel. L’école est le lieu où les citoyens de demain peuvent construire ensemble ce qu’ils auront en commun, ce qui leur permettra de débattre, de décider et d’agir ensemble. La crise profonde que traverse notre école met en danger l’avenir de notre société. Il est urgent d’y répondre, en donnant des moyens nouveaux au service public, mais aussi en mettant ces moyens au service de l’égalité.

Quelles actions envisagez-vous ?

  • Porter le budget de l’éducation nationale à 7 % du PIB.
  • Pour enseigner des savoirs plus complexes à plus d’enfants, il faut du temps : droit à l’école dès 2 ans pour les familles qui le souhaitent ; allongement de la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans ; rétablissement de la demi-journée d’école supprimée en primaire ; allongement du temps scolaire pour que toute l’école puisse se faire à l’école.
  • Faire le bilan des réformes libérales engagées par les précédents gouvernements ; sortir de l’impasse des rythmes scolaires en repensant les temps éducatifs et les parcours pédagogiques et en créant un service public national déconcentré du loisir éducatif ; instauration de mesures immédiates d’accompagnement des nouveaux programmes en primaire et au collège ; suppression de la réforme actuelle du collège et ouverture d’une concertation pour la démocratisation de la réussite au collège.
  • Des personnels formés, partout : revalorisation des salaires et des métiers de l’Éducation nationale ; plan pluriannuel de création de postes ; création d’un dis- 36 positif de prérecrutement des enseignant-e-s sous statut de la fonction publique, relance de leur formation initiale et continue.
  • Rétablissement d’une carte scolaire contraignante et démocratiquement construite, sectorisation de l’enseignement privé, suppression de l’obligation faite aux collectivités locales de le subventionner et intégration progressive de l’enseignement privé sous contrat au service public de l’Éducation nationale ; construction d’une carte nationale des formations publiques ; création d’un observatoire national paritaire des inégalités.
  • Création d’un observatoire national des programmes composé d’acteurs-trices de l’éducation, d’élu-e-s et de citoyen-ne-s et chargé de faire évoluer les programmes en fonction des retours du terrain et de l’objectif de réussite de toutes et tous ; une même ambition pour tous les enfants : ce sont les programmes qui définiront les contenus et les objectifs de l’enseignement pour tous ; introduction des cultures technologique et professionnelle dans les programmes scolaires dès le début de la scolarité obligatoire.

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